Une complicité de terrain entre étudiants en réadaptation du Québec et d’Haïti contre la propagation du coronavirus dans la population des personnes en situation de handicap en HAÏTI.

Wood Guerlin TELLUS

Oliverio LEMUS-FOLGAR

Karly Emmanuel JEAN

Carmen MOLINER

Chantal VISCOGLIOSI

Préparation à la livraison des matériaux sanitaires

La COVID-19 a mis à nu le système sanitaire haïtien. Déjà saccagé par des crises socio-politico-économique, ce fut la crise de trop. À la dernière semaine du mois de mars 2020, le gouvernement décréta l’état d’urgence et un mois après, les cas augmentent de plus belle et les experts parlaient déjà de pic pour Haïti. À cet effet, nombreuses ont été les capsules de sensibilisation mises en ligne pour prévenir la COVID-19. Les interventions radiophoniques, les émissions de télévision, les webinaires ont été utilisés pour éduquer la population haïtienne sur les gestes et barrières à observer en ces temps de pandémie. Comme souvent, les personnes en situation de handicap et qui représentent près de 10% de la population ont été moins rejointes par ces informations. Conscients de ce fait et profitant d’une subvention de l’Agence Universitaire de la Francophonie (AUF), neuf étudiants haïtiens et huit étudiants canadiens, dans leurs pays respectifs, ont collaboré sous la supervision de professeures de l’Université de Sherbrooke pour apporter une réponse à cette situation alarmante préjudiciable aux personnes en situation de handicap. L’objectif principal était d’informer les populations en situation de handicap sur les consignes en matière de santé publique en vue de réduire la propagation et les conséquences de la COVID-19. Ce fut un projet amplement réussi malgré les obstacles importants rencontrés tout au long de cette entreprise. 

Des dépliants portant sur les mesures sanitaires préventives ont été distribués

Pour ce faire, nous avons développé des capsules de sensibilisation, en tenant compte des défis des personnes en situation de handicap (personnes malvoyantes, des personnes sourdes-muettes et de toutes celles vivant avec d’autres déficiences physiques ou mentales) afin d’influencer les comportements qui peuvent diminuer la propagation de la maladie. La première étape fut la collecte d’informations auprès de notre population cible. Grâce à ces informations pertinentes, les capsules ont été développées en tenant compte des barrières et des facilitateurs pour cette clientèle afin d’optimiser les chances de vaincre ces défis. Par exemple, nos capsules de sensibilisation ont été traduites en créole et en langage des signes pour rejoindre les personnes malvoyantes et la population sourde-muette. Puisque la majorité de cette population a un accès restreint à la technologie, donc à l’internet aussi, différents médiums ont été utilisés pour les rejoindre : distribution de dépliants, diffusion sur les médias sociaux, les sites d’internet et les émissions de radios, présentations orales dans les églises et dans les organismes communautaires. Malgré les obstacles et les défis d’apprentissage à surmonter durant ces huit mois de travail acharné comme le télétravail pour nos réunions, la pénurie d’électricité et l’instabilité criante du réseau de l’Internet en Haïti, cette équipe vaillante, forte et unie a permis aux personnes en situation de handicap d’être mieux équipées au regard d’informations utiles et importantes pouvant leur permettre de protéger leurs vies ainsi que celles de leurs proches devant la menace de la COVID-19. 

Les enfants malentendant ont reçu des visières

Économiquement, notre projet a, en outre, appuyé l’économie locale en cette période de confinement grâce aux contrats locaux que les fonds du projet ont permis pour la fabrication des matériels sanitaires (savons en liquide, masques et visières ). Ce projet a également fait la promotion du domaine de la réadaptation en Haïti puisqu’il a été mené sur le terrain par des étudiants en ergothérapie et en physiothérapie, lesquelles sont peu connues en Haïti. 

Grâce à cette subvention combien importante de l‘AUF, la FSRL a maintenant une plus grande capacité technologique pour appuyer la pédagogie à distance et le télétravail essentiel pour la continuité de notre formation durant la pandémie! “ Ce sera d’une très grande aide pour nous alors que nous continuerons à compléter nos cours en ligne dans les prochaines années. À la FSRL, nous apprécions profondément les nombreux effets positifs de ce projet. Merci mille fois ”, renchérit la doyenne.

Ce projet a non seulement permis à des personnes en situation de handicap d’avoir accès à un contenu adapté et d’avoir le sentiment que la population se préoccupe d’elles mais il a permis aussi à tous ces étudiants haïtiens et québécois de développer des compétences et des habiletés dont ils ne soupçonnaient même pas chez eux. Il a par exemple permis à des gens venus de deux cultures différentes de travailler ensemble pour un objectif commun. De plus, les membres de l’équipe ont fait preuve d’autodétermination et acquis une plus grande confiance surtout en aiguisant leurs capacités de communication. Tous les participants s’accordent à dire qu’ils sortent gagnants de cette expérience enrichissante. Mme Janet O’FLYNN, Doyenne de la Faculté des Sciences de Réhabilitation de Léogane (FSRL) en Haïti, mentionne que ce projet a surtout permis aux étudiants d’expérimenter des attentes éducatives à un niveau élevé et créé des opportunités de relever des défis interculturels entre Haïtiens et Canadiens. Pour elle, les étudiants ont appris à gérer  tous les aspects d’un grand projet, à répartir des tâches entre les membres d’une équipe et à affronter les obstacles pour atteindre les objectifs dans le délai prévu. Karly Emmanuel JEAN, étudiant en ergothérapie à la FSRL, déclare : “ Ce projet a été pour moi une réussite en dépit des multiples obstacles que nous avions rencontrés. J’ai appris à être autonome et j’ai pu développer davantage de leadership et de confiance en moi. Si l’Université de Sherbrooke me propose un autre projet, je répondrai oui sans hésiter une seconde. C’était une très belle expérience collaborative soutenant les Haïtiens en situation de handicap et je me sens épanoui au final ”. Parlant des obstacles, Clinetana PRINO, elle aussi étudiante à la FSRL, poursuit : “ En tant que porteuse de dossier de la radiodiffusion et des matériels sanitaires, j’ai rencontré beaucoup de difficultés comme l’insécurité régnant partout au pays, mais en collaboration avec mes collègues, nous avons réussi à acheter tous nos matériels et faire la distribution à nos partenaires. En outre, nous avons pu réaliser nos émissions de radio. Ce projet a été d’un apprentissage intense sans conteste pour moi ”. Parlant des avantages et des inconvénients d’un tel projet, Oliverio LEMUS-FOLGAR, un étudiant québécois,  abonde en ce sens : « Selon mon expérience, ce projet a demandé une adaptation dans les manières de travailler de différents participants. En effet, en Amérique du Nord, il est ancré dans notre culture une notion du temps qui est très différente en Haïti. Cette différence culturelle apparaissait souvent lors des rendez-vous et des communications. À la suite d’un travail d’équipe, on a fini par trouver un équilibre de travail, ce qui a contribué à une collaboration optimale à partir de ce moment. Également, l’obstacle le plus grand et le plus persistant était les défis technologiques auxquels mes pairs en Haïti faisaient face. Il y a eu certains moments où l’écart de ressources venait qu’à me fâcher. Je n’imagine même pas les émotions qu’ils faisaient apparaître chez mes collègues en Haïti. Ceci rendait donc la communication difficile puisqu’elle se faisait principalement en ligne sur des plateformes électroniques. À la fin, grâce à la subvention reçue, nous avons réussi à outiller les stagiaires haïtiens, ce qui a contribué à surmonter nos défis technologiques ». 

9 étudiants de la FSRL et 8 étudiants de l’Université de Sherbrooke ont mené le projet en collaboration international.

La COVID-19 a montré combien important est le télétravail pour favoriser la collaboration internationale et ce projet s’est révélé si efficace grâce à cela. Il est de bon ton de souligner que notre grande satisfaction réside dans le fait que des personnes en situation de handicap puissent être les principales bénéficiaires de ce projet. À l’avenir, ce projet servira comme modèle pour tous les organismes qui voudront rejoindre toutes les couches de la société haïtienne sans que personne ne soit négligé durant ces crises sanitaires ou d’autres situations comme les catastrophes naturelles. Le développement personnel, acquis dans le cadre de cette collaboration, permettra aux étudiants haïtiens et québécois de maximiser leur savoir-faire et de se préparer pour gérer d’autres projets éventuels. 

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